Le Niger à l’épreuve du changement climatique : Un défi multidimensionnel

Face à l’adversité climatique qui s’intensifie, la population nigérienne se retrouve confrontée à des défis sans précédent, mettant à l’épreuve sa résilience et sa capacité d’adaptation. Le changement climatique n’est pas qu’une menace lointaine, mais une réalité tangible qui façonne le présent et l’avenir du pays.

En effet, au cours de cette saison des pluies de 2024, le Niger est frappé de plein fouet par des inondations dévastatrices, mettant en péril plusieurs ménages dont l’on déplore des pertes matérielles et des vies humaines.

 Selon les données récentes du ministère de l’Intérieur de la Sécurité Publique et de l’Administration du Territoire le bilan est lourd : 73 582 maisons effondrées, 94 783 ménages sinistrés, et plus de 710 767 personnes touchées. Tragiquement, ces inondations ont également coûté la vie à 273 personnes avec 278 blessés, sans compter les infrastructures routières du pays gravement endommagées.  

A notre sens l’ampleur de cette catastrophe met en lumière la vulnérabilité du pays face aux aléas climatiques.

En effet, les inondations ne sont que la partie émergée de l’iceberg car le Niger est également aux prises avec le phénomène inverse et tout aussi dévastateur qu’est la désertification.

D’après les données de la Banque mondiale, chaque année, ce sont environ 100 000 hectares de terres agricoles qui sont engloutis par l’avancée du désert. Cette progression implacable du désert vers le sud menace non seulement la sécurité alimentaire du pays, mais aussi son tissu social et économique.

La croissance démographique, un facteur aggravant l’effet du changement climatique

Dans ce contexte déjà précaire, la croissance démographique galopante du Niger vient ajouter une pression supplémentaire sur des ressources naturelles déjà limitées. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, la population nigérienne a atteint 26 millions d’habitants en 2023, avec un taux de croissance démographique de 7,1 enfants par femme. Ce rythme effréné de croissance démographique, l’un des plus élevés au monde, exacerbe les défis environnementaux auxquels le pays est confronté.

En effet, cette croissance rapide de la population qui est surtout concentrée dans la bande sud du pays, entraîne une demande accrue en terres cultivables, en eau et en ressources forestières. Conséquence directe : la déforestation s’accélère à un rythme alarmant. Selon les données de Global Forest Watch, le Niger a perdu pas moins de 121 000 hectares de couverture forestière entre 2001 et 2021. Cette perte massive de forêts contribue non seulement à l’aggravation du changement climatique en réduisant la capacité de séquestration du carbone, mais elle fragilise également les écosystèmes locaux et accentue les risques d’érosion et de désertification.

Un impact dévastateur sur la santé publique

Les conséquences du changement climatique ne se limitent pas à l’environnement ; elles affectent profondément la santé des populations nigériennes. La malnutrition, en particulier, atteint des proportions alarmantes. D’après les chiffres de l’Institut National de la Statistique (INS) dans le rapport d’une enquête nutritionnelle et de mortalité rétrospective au Niger publiée en Novembre 2022, plus de 47% des enfants de moins de cinq ans au Niger souffrent de malnutrition chronique. Les sécheresses récurrentes et l’imprévisibilité des pluies compromettent les récoltes, aggravant l’insécurité alimentaire déjà critique dans le pays.

Par ailleurs, le changement climatique favorise la propagation de maladies infectieuses telles que le paludisme, les maladies diarrhéiques et la méningite. Le paludisme reste endémique au Niger et cause près de 50% des décès d’enfants de moins de cinq ans. Les températures plus élevées et les pluies irrégulières créent des conditions propices à la prolifération des moustiques vecteurs du paludisme, tandis que le manque d’accès à l’eau potable, exacerbé par la désertification, augmente les risques de maladies hydriques.

Des communautés en première ligne

Face à ces défis colossaux, ce sont les communautés rurales qui se retrouvent en première ligne. La majorité de la population nigérienne dépend de l’agriculture de subsistance, un mode de vie particulièrement vulnérable aux aléas climatiques. Les agriculteurs et les éleveurs, piliers de l’économie rurale, voient leurs moyens de subsistance menacés par des saisons de plus en plus imprévisibles. Toujours selon le Ministère de l’intérieur, ce sont 21,145 tonnes de vivres et 17 768 têtes de bétails perdu lors des inondations de cette année à la date du 04 septembre 2024.

Pour sa part, le lieutenant Amadou Bachirou, interrogé dans le cadre de ce reportage, souligne la gravité de la situation : « Le changement climatique, de par sa définition, est tout changement du climat d’origine humaine ou naturelle que connaît l’ensemble du climat de la Terre. Il se traduit par une perturbation des éléments météorologiques. » Il met en garde contre les conséquences sanitaires des inondations, notamment le risque accru de choléra et de paludisme dû à la stagnation des eaux insalubres.

Vers des solutions intégrées

Face à l’ampleur des défis, des approches innovantes et holistiques émergent. Le projet NEXUS PHED (Population, Santé, Environnement, Développement) est l’une de ces initiatives qui visent à aborder de manière intégrée les enjeux démographiques, sanitaires, environnementaux et de développement. Bien que prometteur dans sa conception, le lieutenant Bachirou reste « un peu septique quant à la bonne mise en œuvre du nexus PHED dans les communes rurales », soulignant l’importance d’une implication réelle des communautés locales dans l’exécution des projets.

En effet, les débuts de projet restent un peu mitigés avec des activités de sensibilisations, de planification régionale et de plaidoyer.

D’autres initiatives, telles que la Grande Muraille Verte, offrent également des perspectives encourageantes. Ce projet ambitieux de restauration des terres dégradées montre qu’il est possible de lutter simultanément contre la désertification, l’insécurité alimentaire et la pauvreté rurale.

Abdoussalam Tayabou