Niamey, 13 novembre 2024 – le Ministère de la Santé Publique a initié le Forum National sur le décès Maternel et Périnatal au Palais des Congrès.
Avec l’appui financier de l’UNICEF, USAID PATHINDER,OMS , cet événement rassemble des experts venus des huit régions du Niger ainsi que des partenaires internationaux, Placé sous le thème « Plus jamais de décès maternels et périnatals au Niger, Agissons ensemble ! », le forum entend poser les bases d’une réponse nationale renforcée face à une crise sanitaire alarmante qui affecte durement les mères et les nouveau-nés.
La question de la mortalité maternelle et néonatale est au cœur des préoccupations de santé publique au Niger. Avec des taux de mortalité parmi les plus élevés de la région, le pays fait face à une situation préoccupante malgré les efforts du gouvernement et de ses partenaires. Ce forum de trois jours vise donc à évaluer les avancées des initiatives précédentes, identifier les obstacles persistants et élaborer de nouvelles solutions pour inverser la tendance actuelle.
Une Réalité Accablante
Selon les données officielles, le Niger a enregistré des progrès au cours des deux dernières décennies en matière de réduction de la mortalité maternelle et infanto-juvénile. Entre 2006 et 2023, le ratio de mortalité maternelle est passé de 648 à 441 décès pour 100 000 naissances vivantes, tandis que les taux de mortalité infanto-juvénile et néonatale ont chuté respectivement de 318 à 126 et de 40,7 à 24 pour 1 000 naissances vivantes. Cette amélioration place le Niger en bonne position au sein de la région pour ses efforts en matière de santé infantile. Cependant, la situation demeure critique en raison d’un renversement récent des tendances, avec une augmentation de la mortalité néonatale, atteignant 43 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2021.
Les défis sont nombreux et reflètent une combinaison de facteurs médicaux, socio-économiques et infrastructurels. Selon le Médecin Colonel-Major Garba Hakimi, Ministre de la Santé Publique, les causes des décès maternels et périnatals incluent les hémorragies graves (34 %), les complications liées à l’hypertension (28 %) et les infections pendant ou après la grossesse (24 %). Les facteurs indirects, tels que l’anémie sévère et le paludisme, ajoutent également aux risques pour les mères. Du côté néonatal, les décès sont principalement dus aux infections, à l’asphyxie et aux complications liées à la prématurité, représentant respectivement 32 %, 29 % et 24 % des cas. Ces chiffres témoignent d’un besoin urgent de renforcer les soins obstétricaux et pédiatriques dans les établissements de santé.
Des Défis Structurels et Sociaux Persistants
La mortalité maternelle et néonatale au Niger est accentuée par des obstacles structurels et sociaux. Le pays dispose d’une couverture sanitaire insuffisante, estimée à seulement 55,45 %, ce qui signifie que près de la moitié de la population n’a pas accès à des services de santé de base. De plus, la prévalence de l’utilisation des méthodes contraceptives modernes reste faible, à environ 10 %, tandis que près de 60 % des accouchements se déroulent à domicile sans assistance qualifiée. Ces accouchements non assistés sont plus fréquents en milieu rural, là où les infrastructures sont limitées et les services de santé difficilement accessibles. En conséquence, les jeunes femmes, particulièrement vulnérables, sont davantage exposées aux complications.
Le Ministre Garba Hakimi a mis en lumière les « trois retards » déterminants dans la survenue de ces décès: le retard dans la prise de décision au sein des ménages pour recourir aux soins, le retard pour arriver dans une formation sanitaire dû aux infrastructures de transport inadéquates et enfin le retard dans la prise en charge médicale une fois sur place. Ces facteurs sont exacerbés par les inégalités d’accès aux soins de santé de qualité, ce qui limite les chances de survie des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés.
Une Mobilisation Multisectorielle Nécessaire
Face à cette crise, le forum appelle à une mobilisation nationale et Multisectorielle pour lutter contre la mortalité maternelle et néonatale. Le Représentant de l’OMS au Niger, Casimir Manengu, chef de file des partenaires techniques et financiers, a insisté sur l’importance de cette approche intégrée. « Le gouvernement, les ONG, le secteur privé, les leaders communautaires et religieux ainsi que les communautés locales doivent travailler main dans la main pour mettre en œuvre des solutions durables », a-t-il affirmé. Ce travail d’équipe inclut la sensibilisation aux bonnes pratiques de santé maternelle, la promotion de comportements favorables pour la santé de la mère et de l’enfant, ainsi que l’amélioration des infrastructures de santé, notamment en milieu rural.
Vers une Déclaration de Niamey
Les experts présents au forum ont pour mission de dresser un bilan complet des interventions précédentes et de formuler des recommandations pratiques pour accélérer la réduction des décès maternels et néonatals. Ce travail aboutira à la Déclaration de Niamey, un engagement national pour des interventions à court, moyen et long termes visant à répondre aux Objectifs de Développement Durable (ODD) d’ici 2030. Le Niger s’est fixé des cibles ambitieuses pour atteindre un maximum de 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et de 12 décès néonatals pour 1 000 naissances vivantes.
Pour y parvenir, le Ministre Hakimi a plaidé pour l’amélioration des systèmes de surveillance des décès, avec un enregistrement obligatoire des décès maternels et néonatals, ainsi que la réalisation d’audits pour chaque décès afin de mettre en place des réponses adaptées. « Il est crucial de renforcer la surveillance des décès maternels et périnatals », a-t-il déclaré, soulignant l’importance d’une réponse rapide pour sauver des vies.
Une Responsabilité Partagée
La lutte contre la mortalité maternelle et néonatale repose également sur l’engagement des professionnels de santé. Le Gouverneur de la région de Niamey, le Général de Brigade Assoumane Abdou, a rappelé aux participants que l’implication active des médecins, sages-femmes, et autres personnels de santé est indispensable pour réussir ce combat. Il a aussi mis en garde contre les pratiques de certains agents qui partagent leur temps de travail entre les services publics et leurs cabinets privés, affectant ainsi la qualité des soins publics.
L’amélioration de la santé maternelle et néonatale au Niger nécessite une action concertée et résolue. Ce forum marque une étape importante vers la concrétisation de cet objectif, en réunissant des décideurs, des experts, et des acteurs communautaires. Le Niger, à travers la Déclaration de Niamey, réaffirme son engagement pour protéger la santé de ses mères et de ses enfants, espérant transformer ces promesses en actions concrètes pour bâtir un avenir plus sûr pour les générations futures.
Issa Moussa